mardi 16 mars 2010

Presse : Le poids des mots : 24 heures vs Métro


Voilà le genre d'exercice auquel j'aime me prêter. S'arrêter particulièrement sur un événement, et voir comment deux médias ont traité l'information.

Si j'ai choisi 24 heures et Métro , c'est surtout parce que ce sont deux journaux qui nous tombent facilement sous la main tous les matins, en se rendant au travail, un café dans la main, le journal dans l'autre. Leurs petites tailles permet de nous contorsionner dans le métro afin de pouvoir tourner les pages facilement, sans oublier de donner un coup de coude de temps en temps (oups excusez!). Ce sont des journaux tirés à des milliers d'exemplaires, qui sont pris en main, lues, la plupart du temps parcourues le temps d'un trajet, et ensuite jetées (et le plus souvent recyclées, puisqu'il faut être vert...). D'autre part ce sont deux cas intéressants car Métro est un journal international qui fait de l'actualité locale, diffusé dans plusieurs centaines de villes dans le monde, il prend la peau et le pouls de la ville où il est diffusé. Quand à 24 heures, il pourrait faire l'objet d'un article à part entière, puisque ce journal est propriété de Quebecor, l'un des plus grands groupes médias au Canada, propriétaire de la chaîne généraliste TVA, du site Internet généraliste Canoé, du Journal de Montréal, etc., bref un consortium puissant qui prône la convergence de l'information.

Je n'ai pas la prétention de faire une critique des deux journaux, à savoir s'ils sont bien faits ou non (et oui je dois avouer qu'ils le sont car je ne peux pas m'empêcher de lire l'un ou l'autre chaque matin, n'ayant pas encore les moyens de me payer un abonnement à la presse ou au devoir) et je ne veux pas non plus faire une analyse de contenu à proprement parler, mais juste montrer comment deux journaux à même vocation, distribués gratuitement aux mêmes endroits peuvent traiter différemment l'information simplement dans le choix du vocabulaire, et un sujet m'a sauté aux yeux en ce beau matin du 16 mars 2010 : la manifestation anti-brutalité policière tenue à Montréal.

Le scénario est simple, il comporte deux acteurs principaux : les manifestants, représentés par ses organisateurs, le Collectif contre la brutalité policière, et la police, qui encadre la manifestation. Les faits montrent qu'il y a eu du côté des manifestants des slogans peu élogieux envers les policiers (c'était le but de la manif non?) ainsi que des jets d'objets divers, et du côté des policiers des courses-poursuites qui ont mené à des arrestations (mais encore là je n'ai pas vérifié, je ne fais que me fier aux journaux...).

Voyons d'abord comment le journal 24 heures, dans un article signé par Maxime Béland, dénomme les manifestants et dans quels verbes d'action ils sont engagés : "une centaine de manifestants arrêtés" [...] "des manifestants en possession de cocktail Molotov" [...] "Après avoir joué au chat et à la souris" [...] et il y a même le témoignage d'un manifestant qui dit "Si je peux blesser un [policier] et l'envoyer à l'hôpital, je vais être tellement heureux". Du côté du vocabulaire désignant la police, le discours est bien différent : "deux agents doubles rudoyés" [...] "Les policiers avaient déjà arrêtés les manifestants" [...] "le corps policier montréalais" et même la réplique à la citation du manifestant: "Ce n'est quand même pas nous autres qui leur avons fournis des projectiles pour qu'ils nous les lancent, ironise le sergent". Si on se demandait ce que faisait la police, et bien 24 heures vient de nous donner une réponse claire et précise, elle fait son travail et arrête les méchants citoyens qui ont un mauvais comportement.

Si on compare avec Métro, dont, entre parenthèses, l'article est signé par la Presse Canadienne et est donc une dépêche d'agence de presse sûrement reprise telle quelle par les employés du journal, on retrouve ce vocabulaire pour les policiers : "policiers" [...] "Des dizaines d'agents, vêtues de tenues antiémeutes et à dos de cheval". Ce sont les deux seules dénominations utilisées. Quand aux manifestants, ce sont des "manifestants agités" [...] "des manifestants ont lancé des bouteilles" et ils "scandaient". Ce sont aussi parfois de simples "participants".

Deux constats : la violence, le rôle des policiers et des manifestants sont beaucoup moins exacerbés que pour le journal 24 heures. On doit sûrement ce style au format "dépêche", qui doit énoncer les faits plutôt qu'exprimer une opinion, afin de permettre au journaliste de faire lui même son enquête, et pourquoi pas, d'exprimer son opinion, ce qui a été le parti pris de 24 heures.
Néanmoins c'est le genre de parti pris qui peut être dangereux, et comme on peut le constater, peut orienter plus facilement l'opinion du lecteur.

Évidemment c'est un peu jeter une pierre dans l'eau que de dire que les médias Québecor cherchent à faire du sensationnalisme, il suffit pour ça de prendre un exemplaire du Journal de Montréal ou bien de regarder les nouvelles de TVA. Mais il est important de comprendre comment ils le font, et je n'ai ici que survolé le vocabulaire déjà éloquent. Si je m'étais attardé sur la mise en page et les photos utilisées pour illustrer les articles, j'en serais venu aux mêmes conclusions. En bref, lisez 24 heures, vous aurez peur, lisez le Métro, vous saurez juste c'qui faut.

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